Arte dispose de ce reportage très orienté, et le sort à intervalles réguliers des cartons, pour obtenir toujours les mêmes réaction.

Derrière ce concept à géométrie variable, on présente une demi douzaines
de pratiques réelles, mais de nature assez franchement différents les
uns des autres, et agglomérées et présentées de manière biaisée pour
laisser croire à une pratique qui elle par contre réellement n’existe
pas, comme quoi les entreprises choisirait délibérément de produire des
produits à durée de vie plus courte, sans aucun avantage à cette durée
de vie à part la maximisation de leur profits, et en contraignant les
malheureux consommateurs à se diriger vers cela uniquement par le fait
de retirer les autres options du marché.

Dans la réalité, la tendance à favoriser les produits à courte durée de
vie, tout à fait réelle, n’est pas du tout le résultat du complot
malfaisant qui est la thèse de ce documentaire, mais d’une multitude de
facteurs, comme :
– la dissymétrie d’information et « market for lemon » : Entre 2 produits
sur un étal, le consommateur ignore lequel a réellement la meilleur
durée de vie et va prendre le moins cher. Pour faire moins cher, ce qui
est toujours le premier critère de choix du consommateur, il faut
réduire la qualité des composants. Les marques qui font de qualité
meurent parce que les consommateurs ne les achètent pas, ce qui est le
premier facteur qui favorise la non qualité, et non pas un complot.
– les biais cognitifs : Même quand on vous écrit noir sur blanc que tel
produit dure 4 fois plus longtemps, même quand les garanties sont
vraiment sérieuses pour que ce soit le cas, quasiment personne n’est
près à payer 4 fois plus cher. Et même s’il s’agit de payer 2 fois plus
cher, il n’y a qu’un minorité de personne attirés, l’immense majorité
des consommateurs favorisent le pas cher même quand il est rapide et
évident de calculer qu’il est plus rentable de prendre le produit cher.
De plus se positionner sur les produits à longue durée de vie n’est pas
du tout facile : Une erreur sur un des éléments du produit, qui casse au
bout de 5 ans au lieu des 10 prévue, vous aliène un client quasiment
définitivement qui va vous faire une mauvaise réclame auprès de tout le
monde. Le marché de la qualité est très difficile.
– l’attrait pour la nouveauté et le changement : A ce sujet, le
documentaire nous ment, et en plus on se ment souvent à soi même. La
grand majorité des gens ont envie de changer au bout de quelques années
même si le produit marche parfaitement bien. Ceux qui sont déjà passés
dans une déchetterie savent à quel point on y trouve une multitude
d’objets en parfait état de marche.
– le marché de masse : pour qu’un marque survive, pour qu’un produit
continue à exister, il faut qu’il y ait un maximum de clients. Si le
produit ne vise qu’une minorité, le petit pourcentage de gens qui ont
conscience de la valeur d’un objet durable, ça ne représente pas assez
de gens pour faire vivre une entreprise, ou du moins celle-ci sera
continuellement à la limite, et finira un jour par jeter l’éponge.
Le fonctionnement du marché favorise la satisfaction des besoins les
plus courants, beaucoup moins de ceux qui correspondent à une niche.
Et non seulement les gens qui veulent changer souvent sont majoritaires
dans la population, mais comme ils viennent plus souvent dans les
magasins, ils sont disproportionnellement encore plus majoritaires parmi
les acheteurs effectifs.
– biais du survivant : On vous présente le frigo qui a survécu 40 ans,
on oublie que l’immense majorité ont cassé très rapidement. On a des
larmes dans les yeux au souvenir de la « deuche » increvable, les gens qui
ont une mémoire un peu plus précise se rappelle que les plaquettes de
freins étaient à changer au bout de quelques centaines de kilomètre,
qu’avec la majorité des exemplaires la qualité de fabrication était
telle qu’à la première pluie la flotte rentrait partout, et de toutes
celles dont au bout de 4 ou 5 ans la carrosserie était rouillée jusqu’à
être transpercée.
– optimisation de la fabrication : les processus de fabrication sont
tellement maîtrisé qu’on sait exactement la durée de la pièce la plus
fragile. Donc on économise sur toutes les autres jusqu’à rapprocher leur
durée de vie de celle là, car de toute façon à quoi sert qu’elles vivent
plus longtemps une fois le produit en panne ? (et ça économise sur le
coût total du produit). Du coup le biais du survivant est devenu
effectivement plus rare, car pour les rares produits où la pièce
habituelle de panne résiste, ce sont les autres qui vont lâcher, là où
avant ces autres pièces étaient souvent sur-dimensionnées (*et* donc
surpayées).
– complexification de la fabrication : les produits sont devenus de plus
en plus complexes en même temps qu’ils sont devenus plus modernes, et
moins cher. En même temps, le coût d’une heure de main d’œuvre a
fortement augmenté. Du coup les cas où la réparation en vaut la peine
sont de plus en plus rares. Et c’est un phénomène qui s’auto-entretien
et s’auto-amplifie. Les ateliers de réparation ont moins de travail, ils
augmentent donc leur prix, diminuant encore plus leur volume d’activité.
Le volume d’activité réduit fortement le nombre d’entreprise qui peuvent
en vivre, donc les rares qui restent ont très peu de concurrence et peu
de motivation à faire un effort sur le prix. Et les gens qui cherchent
encore à faire réparer plutôt que remplacer sont rares, un peu
maniaques, et souvent prêt à payer cher, encore une raison de ne pas
faire beaucoup d’effort sur le prix.

Mais plutôt que de présenter objectivement tous ces facteurs, le
documentaire a une thèse, le complot, et va tout tordre pour favoriser
uniquement *sa* thèse, et passer sous silence toutes les autres
explications.

– Le cas du téléphone mobile hors service au bout de 2 ou 3 ans.

C’est la batterie qui lâche au bout de cette durée, pour des raisons
physique qui n’ont rien à voir avec un complot, et les caractéristiques
des téléphones évoluent tellement en 2 ans que la majorité des gens ont
envie d’autre chose.

Mais si on veut seulement remplacer la batterie, il y a des sites sur
internet qui en vendent pour un prix très raisonnable. A condition de
vouloir chercher, ce que la majorité des gens n’ont pas envie de faire.

Si les magasins constataient que la majorité des gens sont demandeurs
d’un changement de batterie, beaucoup plus que d’un nouveau téléphone au
bout de 2 ans, et que pour vendre il *faut* proposer des batteries de
rechange, pas un nouveau téléphone, ils se positionnaient là dessus.
En attendant, seul un type sur 20 dans un magasin classique est à la
recherche d’une batterie, et comme il représente juste une niche il va
payer le prix fort.

– le compteur dans les imprimantes qui les bloque arbitrairement au bout de n impressions

A peu près, la plus grand absurdité de tout le reportage : Les
fabricants d’imprimantes les vendent à perte, et se rattrapent sur les
cartouches d’encre. Leur intérêt économique n’est certainement pas qu’on
en change plus tôt.

Par contre, les clients achètent absolument l’imprimante la moins chère
sans même regarder le prix des cartouches, et pour baisser encore plus
le prix sans perdre trop d’argent, le fabricant rogne à fond sur la
qualité de toutes les pièces qui du coup vieillissent rapidement,
dégradant la qualité d’impression, bavures d’encre, bourrage, etc.

Or le client qui subit ce genre de problème de qualité d’impression est
plus mécontent que celui dont simplement l’imprimante s’arrête d’un
coup. D’où ce compteur pour arrêter carrément l’imprimante une fois
arrivé au nombre de page où statistiquement l’imprimante va rapidement
déconner complétement. On peut outrepasser, mais rarement pour de très
bons résultats.